Conformément aux vœux de Gustave Moreau, Georges Rouault est nommé en 1902 conservateur de l’hôtel particulier du maître, légué à l’État et transformé en un musée inauguré en janvier 1903. Jusqu’en 1932, où il démissionnera de ce poste, ses appointements lui assureront une certaine sécurité financière et l’indépendance dans son travail. Il travaille dans l’atelier de Desvallières rue La Rochefoucauld en face de l’atelier de Renoir.
Épuisé et malade, il part en séjour de convalescence à Évian en 1902. Le repos et la nature de l’arrière-saison renouvellent totalement sa vision. Il se met à peindre frénétiquement.
Je subis alors une crise morale des plus violentes. J’éprouvais des choses qui ne peuvent s’expliquer par des mots. Et je me mis à faire une peinture d’un lyrisme outrageant et qui déconcertait tout le monde.
Georges Rouault cité par Georges Charensol
De retour à Paris, il partage avec Marquet et d’autres camarades un atelier à proximité de la place Clichy, où des prostituées poseront en échange du repos et de la chaleur du local. Il y créera ses premières « Filles ». Puis le monde des forains apparaitra dans son œuvre et plus tard celui des juges grâce à sa rencontre avec le substitut Granier.
Rouault expose en 1903 au Salon d’Automne dont il est un des membres fondateurs aux côtés d’amis tels qu’Henri Matisse, Bonnard, Vallotton, Vuillard et Desvallières. Cette même année, Rouault rencontre Degas qui le conforte dans sa voie.
Rencontre avec Léon Bloy
Il fait la connaissance en 1904 de Léon Bloy, dont il connait les écrits grâce à la bibliothèque de Gustave Moreau. Les œuvres de cet écrivain polémiste (Le désespéré, La femme pauvre) expriment sa révolte contre l’hypocrisie d’une certaine bourgeoisie, chrétienne plus par convention que par conviction, qu’il dénonce férocement, ainsi que contre la médiocrité ou la bassesse qui se manifeste dans la société. L’indépendance d’esprit et le style direct de l’écrivain enthousiasment Rouault tout en le confirmant dans sa voie nouvelle. Proche des idées de Bloy sur la société, il les retranscrit dans sa peinture (« Les Poulot » personnages de La femme pauvre de Bloy). En dépit de l’amitié indéfectible qui le lie à Rouault, Bloy rejette sa peinture qu’il ne comprend plus.
Rouault rencontre chez son ami en 1905 le couple philosophe Jacques et Raïssa Maritain, convertis au catholicisme par Léon Bloy. Ils seront des amis fidèles et soutiendront son travail.
Peinture et céramique
Rouault participe activement aux Salons et peint dans plusieurs ateliers qu’il partage avec d’autres artistes. Lors du Salon d’Automne de 1905, Rouault expose ainsi que Matisse, Marquet, Derain et Manguin. Le choc esthétique, produit par les œuvres de ces derniers, conduit le critique Louis Vauxcelles à les comparer à des fauves, ce qui donnera son nom au fauvisme.
Comme nombre d’artistes de l’époque, Rouault s’intéresse à la céramique. Il fait la connaissance du célèbre Ambroise Vollard, qui deviendra son marchand, dans l’atelier de céramique d’André Mettey en 1907.
Rouault et sa famille
Le 27 janvier 1908, Georges Rouault épouse Marthe Le Sidaner (1873-1973), pianiste et sœur du peintre pointilliste Henri le Sidaner. Ils auront quatre enfants : Geneviève née en 1909, Isabelle née en 1910, Michel né en 1912 et Agnès née en 1915. Le couple s’installe au Musée Gustave Moreau, puis à Versailles en 1912 et y retrouvera le couple Maritain.
Le père de Rouault meurt en 1912. Profondément affecté, le peintre débute une réflexion sur le thème du Miserere.