Les premières années | 1871-1902
Né sous les bombardements le 27 mai 1871 durant la Commune de Paris, Georges Rouault passe son enfance dans les vieux quartiers populaires de Belleville.
Fils d’un ouvrier ébéniste, vernisseur de pianos chez Pleyel, il apprend l’amour de la belle matière. À 14 ans, il quitte son faubourg pour devenir apprenti chez un peintre verrier. Initié tôt aux œuvres de Courbet, Manet, Forain et Daumier par son grand-père maternel Alexandre Champdavoine, il développe peu à peu une passion pour la peinture qui le conduira à s’y consacrer totalement.
Les premiers cours à l’École des Arts décoratifs sont suivis par ceux de l’École des Beaux-Arts dès 1890 et le jeune homme abandonne l’apprentissage du métier de verrier.
Formation
L’École des Beaux-Arts est le lieu d’une rencontre déterminante pour son avenir. Un an après son arrivée, il devient élève de Gustave Moreau.
Henri Matisse, Albert Marquet, Henri Manguin, Henri Evenepoel, Léon Lehmann avec qui il restera très lié, faisaient partie de l’atelier de ce pédagogue exceptionnel, qui poussait ses élèves à se révéler à eux-mêmes. Gustave Moreau comprend particulièrement bien Georges Rouault qu’il conseille, réconforte et guide. Il va nouer avec son élève une relation privilégiée.
Vous aimez un art grave, et sobre et, dans son essence, religieux, et tout ce que vous faites sera marqué de ce sceau.
Gustave Moreau, cité par Georges Rouault dans Souvenirs Intimes, 1926
Poussé par Gustave Moreau à participer aux concours, il commence à se faire connaître. Il remporte à l’âge de 23 ans le prix Chenavard avec L’Enfant Jésus parmi les docteurs. Ses premières œuvres sont des sujets imposés conformes au goût de son temps marqué par l’esthétique symboliste dont il se libérera. Après un second échec au prix de Rome, Rouault quitte l’École des Beaux-Arts sur les conseils de Gustave Moreau. Ses œuvres seront alors en rupture totale avec l’académisme de l’École.
Mort de Gustave Moreau
En 1898 Gustave Moreau est emporté par un cancer, Rouault perd son principal soutien, son environnement s’effondre, il dit lui-même qu’à ce moment « c’était le gouffre ». Pendant les années qui suivent, Rouault traverse une crise morale et esthétique. Profondément affecté par la mort de son maître, séparé de sa famille partie en Algérie, il vit dans un dénuement extrême et se sent totalement isolé.
Rouault et la religion
Bien que baptisé à 1 mois, Rouault reçoit une éducation laïque. Ce n’est qu’à 24 ans qu’il manifestera son désir d’adhérer à la foi chrétienne en faisant sa première communion. Il se rapproche d’écrivains comme J. K. Huysmans et Léon Bloy, représentants avec Charles Péguy, d’un contexte littéraire marqué par un néo-catholicisme qui luttait contre le superficiel et la pauvreté d’un art officiel d’église. Fin avril 1901, Rouault rejoint un groupe d’intellectuels à l’abbaye de Ligugé. Huysmans projetait d’y fonder une communauté d’artistes catholiques. Le groupe s’imposait de résister à la publicité et à tout ce qui flatte la vanité. Rouault se détermine lors de ce séjour à ne faire à l’art et au public aucune sorte de concession. Le vote de la loi Waldeck-Rousseau contre les associations dissout la communauté. Rouault revient à Paris et reprend ses peintures, ou plutôt sa quête, ses recherches.