9 juillet-3 octobre 2021
Salle Focus, niveau 5
Le Centre Pompidou célèbre cet été le 150e anniversaire de Georges Rouault (1871-1958). Sous le titre « Saintes Colères », repris d’une lettre de l’artiste à l’écrivain André Suarès, la commissaire Angela Lampe rend hommage à Rouault avec une vingtaine d’œuvres issues de la collection du Musée national d’art moderne.
Grâce aux donations successives de la famille Rouault, ce musée conserve un des fonds d’œuvres du peintre le plus important dans le monde.
Dans un 20e siècle désenchanté, proclamant la mort de Dieu, la religiosité de Rouault, sa pitié envers les plus démunis et son humanisme profond le distinguent des tendances du moment. Pour son biographe Pierre Courthion, « la franchise de Rouault, sa façon de protester contre l’injustice sociale et même morale de la vie civile, de la vie laïque vient de ce qu’il a toujours résisté au mensonge, à la dissimulation, à l’hypocrisie de la société ». C’est ce sentiment de révolte, de colère et d’exaspération, ces « saintes colères devant l’injustice », qui résonnent dans cette exposition-hommage.
Mis en exergue à l’entrée de l’exposition, son chef-d’œuvre Homo homini lupus (L’homme est un loup pour l’homme, 1944-1948), constat désabusé sur la condition humaine, donne le ton pour cette plongée dans le monde des abandonnés, de celles et ceux que la société ignore ou cherche à oublier. L’écrivain catholique Léon Bloy (1846-1917), dénonciateur féroce de l’impiété de la bourgeoisie, devient pour le jeune Rouault un modèle inspirant. Ses peintures de jeunes filles, assises devant le miroir ou faisant le trottoir dans les rues de Belleville, quartier populaire de son enfance, doivent beaucoup aux livres de Bloy. Quelques exemplaires dédicacés issus de la bibliothèque de Rouault et présentés dans l’exposition, révèlent le lien intime entre les deux artistes.
Autre figure marquante : celle d’Ubu Roi, créature d’Alfred Jarry, que Rouault revisite à plusieurs reprises sous l’impulsion d’Ambroise Vollard. Ses illustrations pour Les Réincarnations du Père Ubu (1925) témoignent de son implication dans les questions relatives à la colonisation.
Au cœur de l’exposition se trouve l’opus magnum de Rouault, rarement montré dans son intégralité : les 58 gravures de son cycle Miserere, épopée plastique sur le tragique de la Grande Guerre, mêlant motifs profanes et bibliques. L’exposition met en lumière la façon dont cette œuvre fleuve, qui comptait initialement le double de dessins, devient la matrice d’une grande partie de la production de Rouault. Elle marque à la fois le centre et le sommet de son art, comme il le dit lui-même : « Je crois avoir mis le meilleur de moi-même ».
Cet hommage est également l’occasion de révéler au public le tout dernier enrichissement du fonds Rouault : L’Accusé, tableau exceptionnel de 1908 récemment entré par dation dans la collection nationale. Un homme humble se retrouve au centre de l’inexorable machine de la justice humaine qui, pour l’artiste chrétien que fut Rouault, n’était rien d’autre qu’une parodie de la justice divine. Un témoignage poignant des débuts fougueux du peintre, alors plein de rage et de verve contre une société qu’il réprouve.
Quand :
9 juil.-3 oct. 2021
11h-21h, tous les jours sauf mardis